Il paraît que les traditions se perdent… Même sur le Tour de France… Ainsi, la mythique voiture-balai ne digère plus dans ses entrailles les malheureux qui renoncent en plein effort… Aujourd’hui, le coureur qui abandonne s’engouffre dans la voiture de son directeur sportif, à l’abri des regards et de l’infamie partagée… Alors, la voiture-balai s’adapte, pour essayer d’apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes…

Finie l’image du monstre qui rôde derrière les attardés, du prédateur qui guette l’instant où sa proie affaiblie par le coup de barre ou la pente trop raide se rendra sans résistance… La voiture-balai, confortable minibus climatisé d’une dizaine de places, se transforme en bon Samaritain… A l’intérieur, Laurent, le chauffeur, et Loïc, le commissaire de course, bien calés dans la roue du dernier du moment, font ce qu’ils peuvent pour l’aider à continuer… Hier, le dossard 137 de Kevin Seeldrayers, jeune coureur belge de la Quick Step, a mobilisé toute leur attention pendant plus de 60 kilomètres… A grands coups d’encouragements, de bidons d’eau régulièrement fournis et d’informations sur son retard par rapport au peloton, ils l’ont aidé à revenir sur l’arrière du peloton et à terminer avant même le gruppetto final, à une honorable 111ème place…

Mais tous n’ont pas cette chance… Avant de venir en aide à Kevin, les anges gardiens de la voiture-balai ont assisté, impuissants, à la galère du dossard 129, Mauro Santambrogio, équipier modèle de Cadel Evans et Cancellara… Malade depuis la veille, accompagné jusqu’au bout par son directeur sportif, son coup de pédale sentait la semelle de plomb… A Saint-Girons, à bout de forces, il a mis pied à terre, voyant s’effondrer son rêve de terminer son Tour de France, comme il l’avait fait l’an dernier… Mais s’il pleurait à chaudes larmes, c’était pour autre chose… C’était parce qu’il n’avait pas pu aller jusqu’à la stèle élevée en mémoire de Fabio Casartelli, mort il y a quinze ans dans la descente du Portet d’Aspet… Comme Fabio, Mauro est lui aussi originaire des bords du lac de Côme et il voulait à tout prix lui rendre cet hommage…

Faire le Tour dans la voiture-balai, c’est aussi cela… C’est être témoin de drames, petits ou grands, mais aussi de résurrections miraculeuses, de gestes de solidarité, de luttes acharnées pour ne pas agoniser en juillet, sur une pente à 10 %, sous les hurlements d’une foule pas toujours consciente de ce qui se trame sous ses yeux… Le coureur qui va au bout de lui-même pour ne pas être avalé par le monstre, c’est tout le combat pour la vie… Comme le dit le poète, se donner tout entier sur terre pour que la mort n’ait plus rien à prendre… Et demain sera une autre étape…

Source : France info